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Libanais vivant en Tunisie : Le Cèdre loin des yeux, mais toujours dans le cœur

 

Récit émouvant de deux Libanais exerçant en Tunisie qui ont  perdu leurs familles lors des derniers bombardements sionistes sur le Liban-Sud.

Il est des hommes dont la vie, par on ne sait quelle fatalité, est faite de drames à n’en plus finir. Hazem Fawwez, en est un. Installé, il y a près de deux ans, en Tunisie où il travaille aujourd’hui dans un restaurant de la place, ce beau blondinet Libanais de 32 printemps, en état de célibat, était inconsolable durant notre rencontre. «Je viens, lance-t-il, à peine de reprendre mon boulot, après avoir été gentiment autorisé par mon employeur tunisien à aller me reposer à la maison, très touché qu’il était par l’état d’abattement dans lequel j’étais depuis que j’ai appris la triste nouvelle». C’est que Hazem venait de vivre un drame familial qui l’a complètement bouleversé. Et pour cause : il a perdu, dans un moment tragique, à la fois ses parents et sa sœur qui ont péri lors d’un récent bombardement de l’aviation sioniste sur leur maison située à Maroun Erras au Liban-Sud. «C’est, raconte-t-il, mon oncle qui habite non loin de là et plus précisément à Kouzah, qui m’en a informé, via Facebook. Il a fallu, m’a-t-il dit, plus de huit heures de fouilles pour dégager les trois cadavres des décombres, tellement la frappe était sauvage. J’en étais si touché que j’étais à deux doigts de l’effondrement. Cette nuit-là, je n’ai pas dormi, parce que je n’arrêtais pas de pleurer, au point que j’ai pris la décision de rentrer précipitamment au bercail pour assister aux funérailles. Finalement, j’ai dû y renoncer à la dernière minute, après avoir eu la conviction que je tentais l’impossible, à cause justement des difficultés de trouver un billet d’avion en l’absence de vol direct entre Tunis et Beyrouth. De surcroît, de nombreuses compagnies aériennes arabes et occidentales, pour des raisons de sécurité, avaient déjà suspendu leurs vols à destination de l’aéroport Rafik-Hariri».

Le prix à payer 

A la question de savoir pourquoi sa famille n’a pas pu organiser sa fuite avant la catastrophe, Hazem répond, la mort dans l’âme : «Puisque vous semblez tenir à ce que je continue de remuer le couteau dans la plaie, je vais vous le dire.

En effet, dès le début, le 23 octobre dernier, de l’offensive sioniste sur notre pays, j’ai multiplié les appels téléphoniques à mes parents pour les inciter à déménager dans une autre région plus sûre. Je les ai pourtant maintes fois avertis que notre ville natale de Maroun Erras ne serait pas épargnée par les missiles sionistes. Peine perdue, car mon père, lui seul, tenait absolument à y rester au nom de l’attachement à sa terre d’origine, bien que des centaines d’habitants et de voisins aient déjà pris le chemin de l’exil. Ma sœur Ghada, poursuit-il, qui préparait son master en cybersecurité a beau prier mon père  de fuir la région, en vain. Elle a beau attraper des crises de nerfs, il était de marbre. Ainsi, a-t-il péri et entraîné la mort de tout le monde».

Fatalité ? «Écoutez, réagit-il, visiblement crispé. Moi, j’analyse les faits avec réalisme. Sachez que cela fait dix ans que je ne cessais de demander à ma famille de quitter définitivement cette région du Liban-Sud où se côtoient, dans un cocktail explosif, pauvreté, insécurité, manigances politico-religieuses et menaces sociales et militaires. De guerre lasse, je leur ai même proposé de rejoindre l’Europe, à travers l’émigration clandestine, pratique très développée sur les côtes du pays. Bref, j’ai longtemps maintenu la pression dans ce sens, comme si quelque chose me prévenait qu’un énième malheur, après ceux de 1982 et 2006, allait s’abattre sur le Liban. Un Liban que je pleure aujourd’hui.

Un Liban qui est désormais pour moi cliniquement mort».

A ses côtés, son compatriote Émile Khoury qui nous partage la table  prend la parole. Âgé de 40 ans, expert en maintenance industrielle dans une usine basée dans le gouvernorat de Ben Arous, ce natif de Beyrouth dit avoir, lui aussi, fui le Liban depuis sept ans, en réussissant clandestinement à rebondir en Italie, via Chypre à bord d’une embarcation de fortune. Trois mois plus tard, cap sur la Tunisie après que l’un de ses amis lui a promis un bon poste de travail dans nos murs. Pour Émile, de confession chrétienne, «certes, il est difficile d’oublier sa famille, ses amis, ses bons souvenirs d’enfance et d’adolescence vécus là-bas. Mais, hélas, le Liban c’est fini. Le temps où il était considéré comme un paradis est révolu. Aujourd’hui, regardez bien, il est totalement englué dans les sables mouvants de la pauvreté, de la corruption et de la crise économique. Le tout doublé d’une extraordinaire instabilité politique. Et voilà que Netanyahu y enfonce le clou. Plus que choqué, j’en suis traumatisé». Et de conclure, l’air encore plus grave : «J’exige, comme tous les Libanais honnêtes et patriotes, que tous les coupables qui ont détruit le pays soient identifiés et traduits devant la justice».

Reste cette question inévitable :quel avenir pour nos deux interlocuteurs ? «Nul ne sait» gémit Hazem. «Non, je n’y retournerai que pour me faire enterrer au pied d’un cèdre», jure Émile.

Entre-temps, les chiffres continuent de s’affoler au Liban où, moins d’un mois après le début de la guerre, on a déjà recensé plus de deux mille morts et près de onze mille blessés, outre des centaines de milliers de déplacés. 

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